mardi 3 septembre 2013

BETON SALON


ON NE SE SOUVIENT QUE DES PHOTOGRAPHIES
Du 13 au 28 septembre 2013
Vernissage : jeudi 12 septembre 2013 de 18h à 21h



« On ne se souvient que des photographies »* est une édition exposée. Elle est le fruit de la rencontre
et du dialogue entre le Groupe de recherche « l’art moderne et contemporain photographié » (master
1) de l’Ecole du Louvre et le master 2 professionnel Politiques culturelles de l’Université Paris Diderot
– Paris 7 représenté par cinq étudiantes de l’association Politik’art. Confiée aux graphistes François
Havegeer et Sacha Léopold connus sous le nom de Syndicat, elle place la démarche de recherche
scientifique au centre de son propos et opère comme un processus réflexif in progress. Ce projet rend
compte des recherches des dix étudiantes du master 1 de l’Ecole de Louvre accueillies à la Bibliothèque
Kandinsky (Centre Pompidou MNAM-CCI). Elles ont travaillé chacune cette année sur un mémoire sous
la co-direction de Didier Schulmann, conservateur de la Bibliothèque Kandinsky et de Remi Parcollet,
post-doctorant au Labex « Création, Arts et Patrimoine ».
Susan Sontag questionne dans son dernier livre Devant la douleur des autres (2003), l’impact de la
photographie sur notre perception des événements historiques et contemporains. Le titre « On ne
se souvient que des photographies »* est une référence à une citation de l’essayiste, qui insiste sur
ce phénomène perceptuel particulier et pourtant rarement abordé : le moment où le souvenir de la
représentation se superpose à celui de l’événement au risque de l’effacer.
Jean Collas, Revues, Manifestes, Groupements littéraires de 1867 à nos jours, 1937.
Source : Ebauche et premiers éléments d’un Musée de la Littérature, Paris, Denoël, 1938.
*« Le problème n’est pas qu’on se souvient grâce aux photographies, mais qu’on ne se souvient que des photographies. »
in Susan Sontag, Devant la douleur des autres, trad. de l’anglais par F. Durant-Bogaert, Paris, Christian Bourgois, 2003, p. 97.
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L’apparition de la photographie et son utilisation pour reproduire des oeuvres d’art ou rendre
compte des pratiques artistiques a bouleversé bien des repères. Par ailleurs l’archive concernant l’art
moderne et contemporain tend de plus en plus aujourd’hui à s’émanciper de son statut purement
documentaire. Conséquence de l’évolution processuelle et conceptuelle de l’art depuis les années
soixante notamment, son statut côtoie celui de l’oeuvre en particulier à travers la photographie.
Cette exposition-édition a pour objet de matérialiser une réflexion non seulement sur la pratique et
la production de l’image documentaire, mais encore et surtout, sur l’archive, ses usages, la diffusion
et la réception de ces photographies. Elle ambitionne d’interroger le trajet des photos et la circulation
des oeuvres d’art et des pratiques artistiques à travers différents supports (tirage photographique,
photographie imprimée, livre, catalogue, magazine, revue, carton d’invitation, affiche, carte postale,
image numérique…).
Il s’agit d’identifier les causes et les mécanismes du processus de patrimonialisation par la photographie
de l’exposition et des oeuvres exposées, des pratiques artistiques éphémères, immatérielles ou
encore in situ. Car si la photographie de vue d’exposition, d’atelier, de performance, de danse ou
encore de mode est appelée à intégrer pleinement le patrimoine photographique, elle ouvre surtout
un champ d’interpellation aux méthodes de l’histoire de l’art, de la critique et en conséquence aux
pratiques muséographiques ou curatoriales. Les campagnes de numérisation s’amplifient peu à peu
et ces archives photographiques sont confrontées à de nouveaux enjeux, non plus seulement de
préservation mais de diffusion et de mise en valeur. Quelles en sont les conséquences en termes
artistique, scientifique et pédagogique ?
Sur le plan sociologique, le numérique rend actif et opérationnel le lien, jusqu’alors théorique, entre
les deux analyses canoniques de Pierre Bourdieu : celle sur la photographie, « Un art moyen » (1965)
et celle sur les musées « L’amour de l’art » (1966) ; le numérique, face aux oeuvres et dans les musées,
modifie les usages respectifs que le public, les étudiants, les institutions et les artistes eux-mêmes ont
de la photographie.
Parmi les différents documents liés à l’exposition et qui serviront par la suite à son analyse, la
photographie documentaire apparaît comme prépondérante. De fait elle tient une place déterminante
dans la plupart des publications récentes sur l’histoire de l’exposition. Les archives institutionnelles
comme celles de la Biennale de Venise ou de la documenta à Kassel sont de plus en plus accessibles
et permettent à l’historien une relecture de l’histoire de l’art et plus spécifiquement de l’histoire
des expositions. Des personnalités apparaissent, témoins privilégiés de ces événements comme
les photographes Ugo Mulas ou Gunther Becker, ce dernier développant un style documentaire
rigoureux proche de Bernd et Hilla Becher. Leurs subjectivités d’auteurs nécessitent précaution et
discernement comme le démontre l’implication du jeune Reiner Ruthenbeck pour documenter la
scène artistique de Düsseldorf au début des années soixante avant de devenir pleinement artiste. Le
statut de ses images revisitées est aujourd’hui à reconsidérer en regard de sa pratique de sculpteur.
Dans le même esprit Mulas est aujourd’hui considéré comme un précurseur du photoconceptualisme
avec la série des « vérifications » réalisée à la fin de sa vie, au début des années soixante dix, et qui sont
accrochées quarante ans après sur les cimaises du musée au coté des artistes de l’Arte Povera dont il
a documenté les oeuvres durant toute sa carrière. La documentation de l’art en situation d’exposition
nécessite donc d’être contextualisée, et le trajet du document photographique doit être cartographié
tant la mise en abyme qu’il implique permet de repenser notre rapport à l’oeuvre. Gerhard Richter
a récemment utilisé des photographies comme support pour des peintures qui effacent l’espace
muséal, des images finalement à l‘origine semblables aux différents reportages muséographiques
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de sa dernière rétrospective itinérante permettant à l’historien et au critique de comparer les partis
pris des trois différents commissaires. Constatons que la photographie malgré ses limites et la
subjectivité à laquelle l’artiste voudrait la cantonner a paradoxalement accompagné et rendu possible
des pratiques artistiques qui se voulaient impossibles à retranscrire par l’image, comme par exemple,
la performance ou la danse. Ainsi l’oeuvre in situ ou éphémère, comme le graffiti, développe elle
aussi un rapport ambigu avec la photographie. Concernant la diffusion mais aussi la conservation
de ce type de pratique artistique dont le musée ne peut rendre compte, le rôle de Martha Cooper
apparaît aujourd’hui évident. Si les archives institutionnelles trouvent leurs limites avec le statut
de la photographie documentaire, les archives privées particulièrement celles des collectionneurs
développent certainement des atouts singuliers, particulièrement lorsque les oeuvres collectionnées
s’organisent en fonction de tendances conceptuelles. Le document devient alors prolongement de la
collection. Il faut alors s’intéresser à la posture d’un photographe indépendant comme André Morin,
documentant régulièrement les expositions d’art contemporain en galeries ou dans les centres d’art,
lorsqu’il s’implique dans le suivi d’une collection privée.
L’expérience de l’oeuvre se vit souvent dans l’espace et la photographier implique des choix de point
de vue, de cadrage, de lumière. Quand la photographie documente l’exposition ou l’atelier comme
lieu de création de l’artiste, elle ne se limite pas à une simple reproduction documentaire. Ainsi les
intentions du photographe, malgré sa démarche documentaire, évoluent toujours entre objectivité et
subjectivité. Il faut donc prendre en compte le statut d’auteur de ces photographes et considérer ces
« documents impliqués » comme une traduction, une retranscription ou encore une interprétation.
Ainsi la photographie de danse est une pratique photographique sans être complètement un genre
comme le démontre la collaboration entre Pina Bausch et le photographe Guy Delahaye. Par ailleurs
la plupart des reportages notamment pour la presse magazine sont les fruits de commandes à des
personnalités de la photographie comme Cecil Beaton, William Klein ou encore Juergen Teller. Il est
pertinent d’observer l’environnement de la photographie imprimée comme son rapport au texte tout
autant que le cadre de sa production et de sa réception. Il est ainsi utile d’observer l’image dans
Vogue et Paris Match comme dans ARTnews ou Art d’Aujourd’hui. Le magazine de mode comme la
revue d’art sont potentiellement des espaces d’exposition. A l’inverse une exposition peut devenir
l’espace de l’écriture, du texte. Les grandes expositions internationales construisent progressivement
une histoire de l’art exposé. Celle de Paris, en 1937, en exposant l’exposition, ou encore en proposant
d’exposer la littérature a été l’occasion de penser la muséographie. L’écrit devient image que l’image
décrit.
Remi Parcollet
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